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| Loi de Finance 2024 : Impacts sur la fiscalité et les entreprises
La loi de finance constitue un mécanisme juridique permettant au gouvernement de définir les recettes et les dépenses de l’État. Son rôle central dans la gestion des finances publiques d’un pays en fait un outil fondamental de la politique économique et budgétaire gouvernementale.
Elle permet de planifier, de superviser et de rendre transparents les choix budgétaires du gouvernement, tout en contribuant à maintenir la stabilité économique et à renforcer la responsabilité démocratique.
La loi de finances pour 2024 a été publiée au Journal officiel du 30 décembre 2023 au Journal officiel du 30 décembre 2023, elle introduit une série de mesures fiscales qui s’appliquent progressivement à partir du 1er janvier 2024.
L’impact sur la fiscalité
L’impact de la fiscalité sur la loi de finance est considérable. La fiscalité représente l’un des principaux leviers dont dispose le gouvernement pour générer des recettes et financer les dépenses publiques.
En effet, la fiscalité joue un rôle crucial dans la définition des sources de revenus de l’État, influence les politiques économiques, redistribue les richesses et impacte la compétitivité internationale. Ainsi, les décisions prises en matière de fiscalité sont étroitement liées aux objectifs budgétaires et économiques du gouvernement, et elles sont souvent intégrées dans l’élaboration de la loi de finance.
« Ses implications fiscales tracent la voie de la politique budgétaire du gouvernement et influent sur le paysage financier où opèrent entreprises et citoyens. »
Vanessa RAZALFE – Manager du pôle Comptabilité et fiscalité chez Lendys
Principales Dispositions Fiscales de la Loi de Finance 2024
Voici les principales dispositions fiscales mises en œuvre par la loi de finance de l’année 2024.
· Indexation sur l’inflation du barème de l’impôt : La loi de finance 2024 prévoit l’indexation sur l’inflation du barème de l’impôt sur le revenu. Les tranches de revenus du barème sont ajustées de 4,8 %, conformément à l’estimation de l’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac. Cette augmentation s’applique également aux grilles de taux par défaut du prélèvement à la source.
· Plan épargne avenir climat : La loi prévoit une exonération d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux sur les revenus générés par ce plan, spécialement conçu pour les moins de 21 ans. De plus, il met fin à la possibilité pour les mineurs d’ouvrir un plan d’épargne retraite.
· Réduction d’impôt pour souscription au capital des sociétés : La loi prévoit une exonération d’impôt accordée pour les souscriptions au capital des sociétés, conformément à l’article 199 unvicies du code général des impôts, jusqu’au 31 décembre 2026.
· Crédit d’impôt au titre des investissements dans l’industrie verte : La loi de finance 2024 instaure un crédit d’impôt destiné à encourager les investissements dans l’industrie verte, notamment dans des secteurs stratégiques tels que la production de batteries, de panneaux solaires, de turbines éoliennes et de pompes à chaleur. Ce crédit d’impôt s’applique aux projets agréés par l’administration fiscale et l’Ademe.
· Contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et contribution économique territoriale (CET): Démarrée en 2023, la réduction progressive de la CVAE s’étalera sur une période de quatre ans. Le taux d’imposition maximal sera réduit à 0,28 % en 2024, puis à 0,19 % en 2025, et enfin à 0,09 % en 2026, pour atteindre 0 en 2027.Parallèlement, le taux plafond de la contribution économique territoriale (CET) connaîtra également une baisse échelonnée sur quatre ans. La suppression de la cotisation minimale sur la valeur ajoutée des entreprises est prévue dès 2024.
· Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) : Dans l’objectif de transposer la législation européenne concernant le régime commun de TVA pour les petites entreprises, la loi de finance met en œuvre à partir de 2025, le régime de franchise de TVA qui s’appliquera aux entreprises de l’Union européenne dans tous les États membres, jusqu’à un chiffre d’affaires européen de 100 000 €.
En France, le plafond national de chiffre d’affaires pour bénéficier de la franchise est réduit à 85 000 €, et les modalités de sortie du régime sont simplifiées et accélérées.
· Imposition des multinationales et grands groupes nationaux : La directive (UE) 2022/2523 vise à instaurer un seuil minimum d’imposition sur les bénéfices des multinationales et des grandes entreprises nationales. À cet égard, le 1er janvier 2024 a marqué l’entrée en vigueur de l’impôt mondial sur les multinationales au sein de l’Union européenne. Approuvé par 140 nations, cet impôt impose un taux minimum de 15 % sur les bénéfices des entreprises, quelle que soit la localisation où elles déclarent leurs gains.
L’impact sur l'impôt monde
Depuis plusieurs années, l’OCDE s’attelle à résoudre les problèmes liés à l’érosion de la base d’imposition et au transfert des bénéfices (BEPS). Le 14 décembre 2021, les membres de l’OCDE ont adopté un ensemble de règles globales visant à contrer ces pratiques, connu sous le nom de « GloBE — Pilier 2 ». L’objectif de ce texte est d’empêcher certaines entreprises de déplacer leurs bénéfices vers des pays avec des taux d’imposition beaucoup plus faibles. L’Union européenne a apporté son soutien à cette initiative et a adopté le 14 décembre 2022 la directive UE 2022/2523 relative au pilier 2.
Son objectif principal est d’établir un niveau minimum d’imposition mondial pour les grandes entreprises multinationales et nationales opérant au sein de l’Union européenne.
Dans ce contexte, L’article 4 de la Loi de Finances 2024 a intègre dans la législation française les dispositions de cette directive. Il établit un taux d’imposition minimum de 15%. En pratique, cela signifie qu’un impôt complémentaire sera instauré en plus de l’impôt sur les sociétés.
Le champ d'application de l'impôt français complémentaire
L’article 223 VL du code général des impôts dispose que « L’impôt complémentaire s’applique aux entités constitutives situées en France membres d’un groupe d’entreprises multinationales ou d’un groupe national dont le chiffre d’affaires de l’exercice, dans les états financiers consolidés de l’entité mère ultime, y compris celui des entités exclues mentionnées à l’article 223 VL bis, est égal ou supérieur à 750 millions d’euros au cours d’au moins deux des quatre exercices précédant l’exercice considéré.
Lorsqu’un ou plusieurs des quatre exercices précédant l’exercice considéré sont supérieurs ou inférieurs à douze mois, le seuil de chiffre d’affaires est ajusté proportionnellement pour chacun de ces exercices »
La territorialité
Une entité est considérée comme étant située dans l’État ou territoire où elle est assujettie à un impôt sur les bénéfices en raison de son siège de direction, de son lieu de création ou d’autres critères similaires.
Si cette détermination n’est pas possible, l’entité est réputée être située dans l’État ou le territoire où elle a été créée.
Obligations déclaratives et paiement
L‘entité consolidante est également tenue de respecter les obligations déclaratives suivantes (conformément à l’article 223 WW du Code Général des Impôts, alinéas 2 et 3) :
– Soumission d’une déclaration d’informations relative à l’impôt complémentaire sous forme dématérialisée, dans les 15 mois suivant la clôture de l’exercice fiscal ou dans les 18 mois pour le premier exercice où le groupe ou l’entité consolidante entre pour la première fois dans le champ d’application de l’impôt complémentaire.
– Dépôt, également sous forme dématérialisée et dans les mêmes délais, d’un relevé de liquidation de l’impôt complémentaire dû.
Les sanctions applicables
Sauf en cas d’application d’une majoration d’un montant plus élevé, des amendes sont imposées (conformément à l’article 1729 F bis du Code Général des Impôts, paragraphe 1) :
– Une amende de 100 000 € est due en cas de défaut de soumission ou de retard dans le dépôt de la déclaration d’informations ou du relevé de liquidation (voir paragraphe 4-27).
– Une amende totale, ne dépassant pas 50 000 € par déclaration, est imposée pour l’ensemble des autres manquements aux obligations déclaratives.
Si plusieurs entités consolidantes établies en France font partie du même groupe d’entreprises multinationales ou du même groupe national, le montant total des amendes forfaitaires ne peut pas dépasser 1 M€ pour un même exercice. Ce montant est réparti entre les entités concernées en fonction de leur contribution respective au total des amendes forfaitaires avant l’application du plafonnement.
Quels sont les changements à prévoir sur le secteur banque et assurances ?
L’application de l’impôt mondial peut entraîner plusieurs changements majeurs pour les assureurs, notamment :
- Aménagement dans la structure fiscale :
Les assureurs pourraient être amenés à changer leur structure fiscale afin de se conformer aux nouvelles règles et exigences de l’impôt mondial. Cette adaptation pourrait nécessiter des ajustements dans l’organisation de leurs activités et de leurs filiales à l’échelle internationale.
- Impact sur le calendrier fiscal :
Les assureurs adapter leur calendrier fiscal pour intégrer les nouvelles règles relatives à l’impôt mondial. Cette adaptation pourrait nécessiter une révision des stratégies de transfert de bénéfices et d’autres mécanismes de planification fiscale afin de se conformer aux exigences et de limiter les implications fiscales.
- Conformité fiscale :
L’introduction de l’impôt mondial va accroître la complexité de la conformité fiscale pour les assureurs. Ils devront mettre en place des systèmes et des processus pour suivre et rapporter les informations nécessaires afin de se conformer aux nouvelles exigences fiscales.
- Évaluation des risques et des opportunités
Les assureurs devront évaluer les risques et les opportunités liés à l’impôt mondial. Cela peut inclure l’examen des conséquences fiscales potentielles de leurs activités internationales, ainsi que l’identification des opportunités pour optimiser leur position fiscale dans le cadre des nouvelles règles.
Les assureurs vont devoir analyser les risques et les opportunités associés à l’impôt mondial. Cette évaluation va englober l’analyse des impacts fiscaux possibles de leurs opérations internationales, ainsi que l’identification des possibilités d’optimisation de leur situation fiscale conformément aux nouvelles réglementations.
En résumé, l’application de l’impôt mondial peut entraîner des changements importants pour les assureurs, qui devront s’adapter aux nouvelles règles fiscales, ajuster leur planification fiscale et renforcer leur conformité fiscale à l’échelle mondiale.
Le point de vue de notre experte
La loi de finance 2024 revêt une importance cruciale dans le contexte économique actuel. Ses implications fiscales tracent la voie de la politique budgétaire du gouvernement et influent sur le paysage financier où opèrent entreprises et citoyens.
Dans un contexte où la stabilité économique demeure une préoccupation majeure, la fiscalité occupe une place centrale. Les mesures introduites par la loi de finance 2024 visent à encourager l’investissement dans des secteurs stratégiques comme l’industrie verte, tout en soutenant la compétitivité des entreprises nationales sur la scène internationale.
Je souligne l’importance pour les entreprises de demeurer informées et de comprendre les implications des changements fiscaux sur leur activité. Une analyse approfondie de ces mesures est essentielle pour anticiper les défis et les opportunités qui se présentent.
Au final, la loi de finance 2024 ne se limite pas à un simple cadre fiscal ; elle reflète les choix et les orientations économiques d’un pays. En tant qu’acteurs du monde des affaires, il nous incombe de comprendre pleinement son impact et d’adapter nos outils et nos stratégies en conséquence.